ANRN 2019 :
« L’adaptation des territoires pour une société résiliente »


Evénements partenaires et
Conférences complémentaires

Télécharger le cahier 3 « Evénements partenaires et
Conférences complémentaires » des actes ANRN 2019

Restitution préparée par l’Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (AFPCN)

 



ÉVÉNEMENTS PARTENAIRES

Événement partenaire « Quel partenariat entre acteurs de la prévention et de l’indemnisation ? »

Organisée par la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) le lundi 25 mars à 18h30 (salle Pasteur du Corum de Montpellier)

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Les acteurs de la prévention et de l’indemnisation mènent un objectif commun, celui de permettre aux territoires français de faire face, dans les meilleures conditions possibles, aux évènements naturels qui les frappent.

Ce partenariat entre acteurs de la prévention et de l’indemnisation se densifie peu à peu et se diversifie dans les formes.

A partir d’exemples concrets de collaboration, à l’échelle locale comme nationale, la conférence a souhaité montrer les synergies possibles en vue de mesurer et d’améliorer l’efficacité des mesures de prévention dans le but de contenir le coût des dommages dans un contexte de changement climatique et de croissance de l’exposition aux risques.

Liste des intervenants 

  • Mot d’accueil : Antoine Quantin – Directeur des réassurances et fonds publics, CCR
  • Nicolas Monié – Chef de bureau de l’action territoriale, DGPR
  • Charles Dumartinet –  Directeur de projets Analytics Risks, Covea
  • Nicolas Bauduceau – Directeur du Département Fonds Publics et Prévention, CCR
  • Marc Vincent – Directeur des services techniques, EPTB Seine Grands Lacs
  • Alix Roumagnac – Président de Predict Services
Antoine Quantin (CCR)

Dès la création du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en 1982, le législateur a prévu un lien fort entre indemnisation et prévention. Il a fait le choix de faire reposer ce régime sur le double principe de la solidarité nationale et de la responsabilité en prévoyant dès le début un mécanisme de prévention, les Plans d’exposition aux Risques (PER) remplacés en 1995 par les PPR.

En 1995, le législateur a également créé le FPRNM (Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs) ou Fonds Barnier alimenté par un prélèvement sur les primes Cat Nat. Le système d’indemnisation finance donc la prévention qui en retour doit bénéficier des effets de la prévention. Ce cycle vertueux, sans équivalent en Europe, est le socle de la résilience aux catastrophes naturelles du territoire français. Après 35 ans d’existence, ce régime a fait la preuve de son efficacité, même s’il peut encore être amélioré. L’économie des territoires touchés a pu redémarrer rapidement grâce à ce système pré-organisé et pré-financé, en dépit du traumatisme subi.

De nombreux pays nous envient ce dispositif et étudient comment mettre en place un système comparable. Songeons à ce qui se passe après une inondation majeure en Allemagne ou un tremblement de terre en Italie. Les impacts du changement climatique risquent de fragiliser ce socle.

Au cours des 20 dernières années, les liens entre acteurs de la prévention et de l’indemnisation n’ont cessé de se renforcer au service d’une même cause : réduire les conséquences des catastrophes naturelles afin d’améliorer la résilience des territoires.

Charles Dumartinet (Covea)

La prévention fait partie de « l’ADN » de l’assureur. Elle apparaît dès la première étape de la mise en place d’un contrat, lorsqu’un bien est accepté en portefeuille afin d’éviter qu’un sinistre ne survienne. A titre d’illustration, dans certains cas, des préventeurs sont dépêchés sur site par l’assureur afin de étudier la zone est située en zone inondable. Si c’est le cas, elle peut alors aider à la mise en place d’un Plan de Continuité d’Activité (PCA) ou de dispositifs particuliers comme la pause de batardeaux pour protéger les installations ou préconiser la sur-élévation des stocks ou l’installation du matériel sensible comme les serveurs informatiques à l’étage. L’assureur partage ainsi ses connaissances des risques afin de sensibiliser de l’assuré et faire de lui son propre « risk manager ». Durant les périodes d’alertes climatiques, pour les phénomènes prévisibles en particulier, l’assureur peut développer des services de surveillance et d’alerte de ses clients. Le but est de diffuser des consignes de prévention simples à mettre en œuvre par l’assuré afin de protéger ou de limiter les dommages. Enfin l’assureur peut contribuer à rendre les biens plus résilients à l’avenir. L’exemple de la sécheresse montre qu’il peut être plus intéressant d’agir sur les fondations (micro pieux) plutôt que faire une simple réparation à l’identique. Face au changement climatique, un doublement de la charge sinistre liée au climat est attendu, il faut donc revoir les produits, rendre les portefeuilles plus résilients et accentuer la conscience du risque.

Nicolas Bauduceau (CCR) et Nicolas Monié (DGPR)

Le FPRNM (Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs, dit Fonds Barnier) est alimenté par un prélèvement sur les surprimes destinées à la couverture de catastrophes naturelles figurant dans les contrats d’assurances dommages aux biens. Le FPRNM permet le financement d’un large éventail de mesures de prévention (expropriation, acquisition amiable, PPRN, réduction de la vulnérabilité, études, travaux et équipements des collectivités territoriales, mesures spécifiques au séisme…). Pendant plusieurs mois, CCR et la DGPR ont conduit une expérimentation visant à croiser différentes données (sinistralité, exposition du territoire en climat actuel et avec le climat de 2050, mobilisation du FPRNM), permettant de mettre en perspective la politique nationale de prévention.


Source : CCR

La mobilisation du FPRNM dépend de sa sollicitation au niveau local. Mobiliser le FPRNM peut se faire de deux façons, « après » un évènement important, comme dans le Gard en 2002 ou de Xynthia en 2010 ou bien « avant » un événement, à l’image du département de l’Isère. La source de la mobilisation du FPRNM, comme celle de toute prévention est liée au degré de sensibilisation des acteurs. Il faut rappeler que le FPRNM n’est pas le seul instrument financier des politiques nationales et locales de prévention des risques et que sa vocation n’est pas uniquement de réduire les dommages aux biens mais aussi les risques pour les personnes. Enfin, il est important de noter que le niveau de de préparation d’un territoire n’est pas proportionnel au montant investi. Certains axes sont d’un coût faible bien qu’efficaces : culture du risque, prise en compte du risque dans l’aménagement du territoire ou réduction de la vulnérabilité.

La concentration des biens dans les zones à risque et le changement climatique en cours constituent des défis pour la prévention des risques à l’horizon 2050. Toutes les parties prenantes sont concernées par ces évolutions. Collaborations et synergies entre les acteurs de la prévention et de l’indemnisation apparaissent donc de plus en plus indispensables.

Marc Vincent (EPTB Seine Grands Lacs)

Le coût que représenteraient aujourd’hui les dommages d’une inondation de même ampleur que celle de 1910 sur la région parisienne s’élèverait à 30 milliards d’euros de coûts directs et indirects. Du fait du développement de l’urbanisation et des réseaux d’infrastructure, la capitale est en effet devenue bien plus vulnérable qu’en 1910. Heureusement, les quatre lacs-réservoirs gérés par l’EPTB en amont du bassin limitent désormais les risques de débordement de la Seine et de ses trois principaux affluents.  Un 5ème ouvrage, la Bassée, est à l’étude pour un coût total estimé à 600 millions d’euros et la première tranche de ce projet devrait être opérationnelle d’ici 2023.

La capacité de CCR à modéliser l’effet de ces ouvrages, c’est-à-dire leurs bénéfices en termes de dommages évités lors d’événements d’inondation, est précieuse car elle permet de justifier la mise en œuvre d’infrastructures hydrauliques de ce type, au regard de leur coût. Dans le contexte économique actuel, on considère ainsi que la valeur des quatre lacs-réservoirs, construits entre 1928 et 1990, représente entre 1 milliard et 2 milliards d’euros.

Sur la question du soutien d’étiage enfin, il reste beaucoup à faire pour valoriser la plus-value des lacs réservoirs, notamment dans le contexte du changement climatique. 

Alix Roumagnac (Predict Services)

Predict est une entreprise détenue par trois acteurs (Météo France, Airbus et BRL). Aujourd’hui, l’urbanisation et le changement climatique entraîne le système vers de plus en plus de risques auxquels il faut se préparer par des moyens adaptés à chaque acteur (PCA, PCS ou Plan de Mise en Sécurité Familial). On est capable de connaître les risques et les vulnérabilités, il faut à présent utiliser les nouvelles technologies pour donner les bonnes attitudes et améliorer la résilience. Quand le message est pertinent 98 % des gens le lisent, 60-70 % agissent. Cela a permis d’économiser, selon les estimations de Predict, 440 millions d’euros en 2018 par ces petites actions. Le changement climatique rend la collaboration plus forte et plus urgente. Il impose des bouleversements en termes d’intensité et de fréquence alors même que la population augmente. C’est pour cela que tous les acteurs doivent jouer la même partition, le maire comme les citoyens. L’assureur a acquis suffisamment de crédibilité pour y avoir un rôle.

Événement partenaire « Vers une consolidation du dispositif de vigilance pour l’anticipation des inondations »

Organisée par Météo-France et le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (Schapi) le lundi 25 mars à 18h30 (Corum de Montpellier)

Lire le résumé

C’est à travers la présentation comparée de l’existant et des évolutions prévues, fondées sur un cas réel, que le Schapi et Météo-France présenteront les apports des orientations définies par le comité interministériel de pilotage en 2018.

INTRODUCTION PAR LES MINISTERES

Laure Tourjansky (DGPR)

Il a été rappelé que cette conférence est conséquence des crues récentes dont celle de l’Aude. La prévention par les comportements est importante, et nécessite de refaire un point sur les outils vigilance afin de voir comment ils sont construits et peuvent évoluer si besoin pour atteindre leur but premier qui doit être le mieux compris.  La vigilance est une surveillance soutenue et attentive dont la logique est de regarder ce qu’il se passe pour être prêt à agir si besoin. Elle s’est construite petit à petit. Elle est traditionnellement fondée sur un système à 4 couleurs (vert, jaune, orange, rouge) pour attirer attention du public sur un événement à venir et sa sévérité via des cartes météorologiques mises à jour régulièrement et qui constituent un premier niveau d’investissement, invitant à aller chercher une information plus précise. Vigilance, alerte et prévision, sont trois termes différents et complémentaires. Pour être mobilisable en période de crise, un travail préalable doit être fait pour fixer comment vont être construits les seuils, en tenant compte de l’intensité du phénomène. Ces seuils doivent être compréhensibles par le grand public.  L’évolution de la vigilance pluie-inondation/crue s’est construite entre Météo-France, la DGSCGC et la DGPR avec une logique d’amélioration continue. Après les crues de 2016. Après les crues de 2016, il y a eu une interpellation sur le RETEX, avec le retour de 3 panels d’utilisateurs sur la compréhension de la vigilance. Cela nécessite ensuite un travail pour voir comment améliorer cette vigilance.

François Drapé (DGSCGC)

L’organisation de la chaîne opérationnelle de gestion de crise a été rappelée, du Maire au COGIC et à la CIC. L’amélioration de la vigilance permettra une meilleure compréhension des enjeux et donc une meilleure coordination de ces acteurs. Le dialogue entre les différents services est primordial pour déterminer le bon niveau de vigilance. Le COPIL est donc important. L’objectif est d‘améliorer l‘anticipation des phénomènes (intensité, durée, localisation précise) et donc les prises de décision… C’est pourquoi travailler ensemble est important.  L’alerte dépend de la vigilance. Ce sont deux notions différentes mais avec des objectifs convergents en matière de sécurité des personnes et des biens. L’alerte est dans les mains de l’Etat, du Ministre ou du Préfet. C’est la phase d’urgence à laquelle sont associés les gestes reflexes de sauvegardes. Ce sont des messages courts, redondants, diffusés via différents canaux. La vigilance va plutôt diffuser des consignes de prudence. L’alerte doit découler d’une bonne articulation avec la vigilance qui permet d’anticiper les aléas.          

LA VIGILANCE METEOROLOGIQUE ET VIGICRUES : PRINCIPES GENERAUX ET AXES D’EVOLUTIONS

François Lalaurette (Météo-France) et François Duquesnes (SCHAPI)

Le dispositif de vigilance météo permet de donner des informations jusqu’à 24h à l’avance. L’idée est d’avoir quelque chose d’accessible au grand public, qui peut s’adapter au département. La carte avec les informations par département et par couleur est un point d’entrée. Le bulletin de suivi permet ensuite de préciser les phénomènes attendus aux échelles spatiales.

La vigilance, poussée par les autorités, est destinée au public. C’est un premier niveau d’avertissement. Elle est mise à disposition du public via des sites respectifs et elle est relayée par les médias qui jouent un rôle amplificateur afin que tout le monde puisse bénéficier du message. Cette vigilance se veut être un premier signal, afin de pousser le public à aller chercher une information complémentaire, entre autres une prévision ou une observation.

 Il y a des produits complémentaires à la vigilance :

  • Avant l’événement : les cartes d’annonce de risque de phénomène dangereux (J2-J7)
  • Pendant l’événement : les avertissements pluies intenses à l’échelle des communes avec génération d’alertes

La vigilance crue, c’est initialement 52 services d’annonce de crue (SAC), puis 22 services de prévision des crues (SPC) avec le SCHAPI qui le rôle d’animer et piloter ce réseau. Cette vigilance crue s’applique au réseau surveillé par l’État. Il existe également le service Vigicrue Flash pour les pluies intenses en dehors du réseau surveillé. Il apporte aux élus locaux une information simple, automatique et non expertisée.

Exemple 1 : Crue de la Seine, début 2018
Lors de l’hiver pluvieux de 2018, il y a eu beaucoup de cumul de précipitations, sans intensité fortement inquiétante. Des crues lentes ont été générées par la succession de passages perturbés sur la moitié nord de la France. Les cumuls de précipitations on atteint des records sur décembre-janvier. La vigilance crue était prédominante. La vigilance « pluie inondation » n’a pas été activée. Les pluies sont tombées sur l’amont du bassin de la Seine.
Exemple 2 : Nîmes et Montpellier, 9-12 octobre 2014
Il y a eu une succession de vigilance orange et rouge avec des conséquences hors du réseau surveillé. Le débordement de cours d’eau à Nîmes a été signalé par Vigicrue. Il y a eu des problèmes de prévisibilité dus à des incertitudes d’intensité et de localisation.
Exemple 3 : Cannes, 3 octobre 2015
Il s’agit là d’un épisode bref, de durée courte, avec des localisations précises, ce qui est à prévoir de plus en plus avec le changement climatique. L’évènement s’est produit en zone vulnérable, avec beaucoup de ruissellement et des dégâts considérables en zone urbanisée. La vigilance a bien été anticipée mais le niveau est resté à l’orange. Les prévisions ne permettaient pas de lever au-delà cette vigilance compte tenu du caractère exceptionnellement intense du phénomène.

Prochaines évolutions de la vigilance météorologique :

  1. Représentation simplifiée de la carte nationale en supprimant aléa prioritaire ;
  2. Crues en remplacement des inondations ;
  3. Affiner pluie-inondation en intégrant les cumuls de pluies mais aussi l’état de sol ;
  4. Personnalisation des avertissements de Vigicrues ;
  5. Mise à disposition publique de la cartographie des APIC
CONCLUSION

Anne Debar (Météo-France)

Il est nécessaire de travailler avec les autres domaines d’expertise. La vigilance souffre de sa maturité, donc il faut évoluer pour réveiller les esprits. Il faut faire évoluer la vigilance, mais ne pas la complexifier, car les gens qui consultent notre vigilance veulent une information rapidement. La future carte de vigilance a été présentée en avant-première aux ANRN, elle montre notamment une articulation efficace entre les éléments météo et les éléments crues. Cette nouvelle présentation sera diffusée dès que les outils de production et de diffusion auront été modifiés pour ce faire.

ECHANGES AVEC LA SALLE

Il est nécessaire d’accompagner les évolutions du dispositif de vigilance par des actions de communication et des relais efficaces notamment dans le domaine scolaire. Le lien n’est pas si évident entre communication et pédagogie de la vigilance vers le public jeune. La question de l’éducation est compliquée. Il y a un certain nombre d’étapes à construire juste pour la compréhension de la vigilance. Les formations sont de plus en plus limitées. Il y a des efforts à faire vers les enseignants et il faut des supports pédagogiques, il faut donner plus de lecture.

  • Concernant la chaine de la pédagogie, le plan de prévention des risques est maintenant au programme du lycée. Un gros travail d’animation a été fait. Concernant l’effort de simplification de la communication, c’est un travail long.

La vigilance est définie comme « échelle de risque ». Est-ce vraiment pertinent ? Car des territoires peu denses n’auront jamais de rouge alors que l’intensité du phénomène peut être impressionnante. Concernant les orages très durs à prévoir, comment résolvez-vous le fait qu’il y aura un orage sans savoir vraiment où ? Concernant l’échelle du risque, il y a une amélioration continue et les remarques de retours d’expérience sont prises en compte. L’échelle du risque par rapport à l’aléa, ce n’est pas simple.

L’objectif est de passer des APIC à des avertissements qui passeraient en mode prévision, avec une prévision à trois heures.

Le dispositif de Vigilance mis au point et déployé en 2001 a atteint une forme de maturité et prouvé son utilité au fil des années. Il a d’ailleurs été adopté dans de nombreux pays depuis.

 CONFÉRENCES COMPLÉMENTAIRES

1 – Résilience et Prévention des inondations

Organisée par la Société hydrotechnique de France (SHF) le mardi 26 mars à 9h00 (Corum de Montpellier)

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Le colloque « Risques et Résilience des Territoires » organisé en octobre 2017 par la SHF associée au Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a montré que la notion de résilience est riche mais difficile à mettre en œuvre ; c’est pour contribuer à la rendre opérationnelle dans le contexte des inondations que cette session est organisée. 80 personnes ont assisté à cet atelier sur la Résilience.

Liste des intervenants 

  • Accueil par Michel Lang, Président du Conseil Scientifique et Technique de la SHF
  • Introduction à la session par Jean-Michel Grésillon, SHF/RDT
  • Conférence « Résiliences : à quelles conditions renouveler nos approches des risques ? » par Céline Cholez MSH-Alpes / Grenoble INP – Lab. PACTES – Université Grenoble-Alpes
  • Conférence « L’adaptation post-inondation : une opportunité pour la prévention des inondations » par Freddy Vinet, Professeur Université Paul-Valéry, Montpellier3
  • Table ronde « La résilience et le risque d’inondation dans le concret » animée par Régis Thépot (SHF/AFPCN) avec : Stéphanie Bidault – directrice du Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation (CEPRI) ; Patrice Leplat – adjoint au maire de Trèbes ; Cendrine Rubio – Communauté de commune des pays de Sommières ; Colonel Christian Belondrade – chef d’état major, SDIS11 ; Colonel Stéphane Farcy – chef des opérations de sauvetage, SDIS 89 ; Bernard Guézo – responsable du Programme Risques, CEREMA.
RÉSILIENCE – RÉSILIENCES : A QUELLE(S) CONDITION(S) RENOUVELER NOS APPROCHES DES RISQUES ? 

Céline Cholez (MSH Alpes, Grenoble)

La notion de résilience est une notion à la diffusion rapide, « venue d’en haut », qui propose une approche des risques éloignée des conceptions habituelles d’évitement : il s’agit de faire avec, de partir du principe que la nature est immaitrisable, que l’on ne peut éliminer le risque et qu’il vaut mieux se préparer à y faire face plutôt qu’espérer s’en protéger complètement… Mais elle pose plusieurs types de questions : Comment la qualifier ? La mesurer ? Mesure-t-on la capacité à faire face ou à se relever ? Peut-on être résilient à tout ? A quelle échelle de temps et d’espace traiter la résilience ? Etc.

Face aux différents aléas et territoires, nous devrions parler de résiliences au pluriel. La résilience prend un sens différent suivant l’échelle spatiale et les acteurs concernés (politiques, aménageurs, promoteurs, habitants…) ainsi que l’illustre l’exemple du projet de construction des Ardoines : Ce projet de construction d’un nouveau quartier en zone inondable a suscité des questions différentes suivant les acteurs : Pour les aménageurs l’enjeu est de construire un quartier attractif et assurant la sécurité des habitants face aux inondations. Pour les acteurs de la gestion de crise il amènera davantage d’habitants à évacuer en cas de crise. Pour les acteurs politiques, la question est de savoir qui supporte les financements de la mise en sécurité du nouveau quartier. Leur dialogue a permis de comprendre que, plutôt que de traiter ce nouveau quartier indépendamment de ses voisins, il fallait en faire un ilot sécurisé accueillant les « naufragés » des autres quartiers. Cette démarche a concilié les points de vue antagonistes sur « ce qui compte » pour le territoire.

L’ADAPTATION POST-INONDATION : UNE OPPORTUNITE POUR LA PREVENTION DES INONDATIONS 

Freddy Vinet (Professeur de géographie, co-responsable du master GCRN, Montpellier)

Comment profiter de la phase de relèvement après une inondation pour reconstruire de façon plus résiliente ? (Comment « s’adapter » ?). Actuellement en France, 17 millions de personnes habitent en zones inondables, et 2,4 millions sont exposées au risque de submersion marine. La mise en œuvre des Plans de Prévention des Risques (PPR), qui structurent la politique nationale de prévention des risques en imposant des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti et en régulant les espaces constructibles exposés aux risques, s’avère en réalité complexe et plutôt mal adaptée pour l’objectif de réduction de la vulnérabilité de l’existant. Pourtant, il faut profiter de la reconstruction post catastrophe pour s’adapter : anticiper l’évènement en prévoyant les moyens techniques et financiers, les ressources humaines à mobiliser. Savoir reconstruire différemment après la catastrophe, dans l’optique de la résilience.

Deux exemples de rénovation urbaine résiliente (où le postulat de départ a été d’accepter le risque et de se poser la question de ce qu’il serait nécessaire de faire pendant et après la catastrophe) sont montrés pour illustrer ce que peut être une rénovation urbaine résiliente : Celui du quartier Richelieu à Nîmes et celui deRomorantin (projet réalisé par l’architecte E. D. Lacombe) : Dans ce cas, une ancienne usine située dans un chenal de crue, a été reconvertie en quartier d’habitation. Ce quartier prévoit un bassin de rétention de la crue, une surélévation de certaines parties du quartier et une visibilité de la crue pour les gens. Peu après sa construction, en juin 2016, ce quartier a subi une crue violente. Aucune surface habitée n’a été inondée. Pour finir, la question est posée de l’intérêt de constituer une « Task Force de reconstitution préventive » pour accompagner la reconstruction adaptative dans les territoires ayant subi une catastrophe.

TABLE RONDE « LA RESILIENCE ET LE RISQUE D’INONDATION DANS LE CONCRET »

Stéphanie Bidault (Directrice du CEPRI) Plutôt qu’une notion venant bouleverser la façon de concevoir les risques, on peut voir la résilience comme un état d’esprit. Pour mieux appréhender cette notion, le CEPRI traite de cas concrets pour répondre aux attentes d’acteurs souvent peu familiers avec des contenus académiques. Une inondation n’épargne personne et ses conséquences montrent qu’il est vital de mobiliser tous les acteurs (gestionnaires de réseaux, élus, aménageurs …) pour garantir une meilleure résilience en invitant les uns à élaborer un plan de continuité d’activité, les autres à réfléchir sur de nouvelles façons de penser l’aménagement des territoires… Permettre à tous de se mettre autour de la table et favoriser le partage d’un diagnostic commun constituent des atouts incontournables.

Patrice Leplat (adjoint au maire de Trèbes) Le 15 octobre 2018, en six heures de temps, le niveau de l’Aude est monté de 7mètres à Trèbes. Six personnes sont mortes dans leur logement. 330 logements ont été inondés, plusieurs bâtiments publics détruits et de multiples autres dégâts sont à déplorer. Aujourd’hui beaucoup d’habitants vivent encore dans l’un des quartiers de la ville touchés par les inondations et où il n’y a plus aucune fonction sociale (écoles, commerces, piscine ont tous été délocalisés). Des familles sont en attente de réponses des assurances pour savoir si elles doivent démolir ou si elles peuvent reconstruire leurs habitations. Il n’y a aucun terrain disponible en zone non inondable. Le Plan Communal de Sauvegarde de Trèbes va être réécrit et la question de l’alerte retravaillée. Rappelons que 7 mois avant les inondations, la commune de Trèbes a été touchée par un attentat dans un supermarché. Ces catastrophes successives ont toutefois créé un sentiment de solidarité et ainsi contribué un peu à l’acceptabilité du risque, indispensable à la résilience. Pourtant le terme de « résilience » lui-même ne parle guère aux populations. La notion reste mal connue.

Colonel Christian Belondrade (chef d’état-major, SDIS11) Le département de l’Aude a subi des inondations en 1992, 2018 et 2019. Celles-ci ont fait prendre conscience de l’importance de la culture du risque et du dialogue entre tous les acteurs concernés. Ainsi des exercices de coordination opérationnelle ont été mis en place dans l’Aude entre les services publics, des élus, des acteurs du risque et la population. Tout se prépare en amont (exemple évacuation d’une maison de retraite en pleine nuit). Les retours d’expérience sont très importants. Ils permettent de faire le point sur les procédures et de les faire progresser. Mais il faut faire attention car ils peuvent être culpabilisants, mettant en lumière des responsabilités (avec d’éventuels relais sur les réseaux sociaux et de possibles retombées politiques…). Il faut donc prévoir d’abord des RETEX internes dans les différents services de façon à ce que les conclusions du RETEX soient utilisables pour améliorer ou corriger les PCS et les actions de l’ensemble de la chaine des services intervenant dans le traitement de la crise.

Cendrine Rubio (Responsable Habitat à la Communauté de Communes des pays de Sommières) Sommières et les communes voisines en bordure du Vidourle ont connu de nombreuses inondations, celle de l’automne 2002 a été particulièrement marquante. Un PPRI a été approuvé en 2008 ; le Plan Intercommunal de Sauvegarde de la Communauté de communes du Pays de Sommières a été établi en 2010. 1400 habitations soumises au risque inondation ont été identifiées sur le territoire. Pour aider les propriétaires dans leurs démarches d’adaptation de leurs logements, la communauté de communes a décidé de les accompagner par le biais du programme « ALABRI en Pays de Sommières » de 2012 à 2014. Cette opération visait à réaliser le diagnostic de vulnérabilité du logement, à déterminer les mesures à mettre en œuvre (espaces-refuges, clapets anti-retours sur le réseau des eaux usées, batardeaux …), à constituer les dossiers de demandes de subvention. Au travers de ce programme, 482 mesures obligatoires ont été prescrites et 176 mesures recommandées. 222 auto-diagnostics ont été réalisés, 55 ont fait l’objet de demandes de subvention.

Colonel Stéphane Farcy (poste de commandement des opérations de sauvetage, SDIS 83) Le département du Var est régulièrement soumis à des inondations importantes (exemple en 2011, avec la crue de l’Argens, en 2015 inondations à La Londe, à Cogolin …). L’Etat major du SDIS 83 pour les opérations de sauvetage a été impacté par des inondations (1,50m de montée des eaux). La pharmacie et plusieurs casernes dont celle de Draguignan étaient sous l’eau… Comment les services de secteurs peuvent-ils être résilients face aux crises, dans ces conditions ? Le SDIS83 a tout de même pu répondre aux enjeux, grâce à son expérience dans la gestion des feux de forêts qui sont récurrents dans la région et qui exigent une étroite liaison entre les différentes casernes. Il dispose de structures organisationnelles de secours et de commandement adaptées. Depuis l’inondation de 2010, le personnel a été formé et les centres de secours ont été répartis sur le territoire.

Bernard Guézo (Responsable du Programme Risques CEREMA) La résilience peut être abordée comme « une dynamique de territoire qui compose avec l’adversité ». La résilience invite à considérer toutes les formes d’adversité qui se posent au territoire : l’inondation en est une, mais il y en a d’autres, d’échelles locale ou globale qui interfèrent entre elles. L’inondation révèle les fragilités, les vulnérabilités sociales… Ceci renvoie aux spécificités des territoires, à leur identité culturelle. La résilience implique la co-construction et la confiance dans les relations. Les réponses que la résilience suscite sont stratégiques et globales, innovantes, partagées par le plus grand nombre. Il faut accepter qu’elles soient imparfaites et non définitives. Avec la résilience le futur reste incertain.

EN CONCLUSION 

Régis Thépot (SHF/AFPCN) : remercie vivement tous les participants à cette table ronde pour leurs témoignages très intéressants. Il note que les textes nationaux qui traitent des risques ne sont pas tous cohérents avec cette notion de résilience. Celle-ci par exemple est mobilisée dans le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNAC2) mais d’autres textes comme ceux relatifs aux Programmes PAPI ou à la Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation (SNGRI) n’en parlent pas explicitement et il y aurait une voie à explorer consistant à les toiletter et à les harmoniser. L’intensité et la qualité des échanges entre les intervenants et la salle ont montré également qu’il y a matière à organiser à l’avenir un colloque complet autour de ces questions !

2 – Solutions fondées sur la nature pour la gestion des risques inondations : quels sont les freins et les leviers ?

Organisée par le Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM) le mardi 26 mars à 9h00 (Corum de Montpellier)

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Liste des intervenants 

  • Philippe Le Coënt – économiste de l’Environnement au service Nouvelles Ressources en Eau (NRE) du BRGM
  • Stéphane Guérin – directeur du Syndicat d’Aménagement et de Gestion de l’Yzeron, du Ratier et du Charbonnières (SAGYRC)
  • Jocelyne Prouteau Hoffmann – ingénieur hydraulicien au Syndicat Mixte de Gestion Intercommunautaire du Buëch et de ses Affluents (SMIGIBA)
  • Damien Goislot – adjoint au chef du bureau de l’action territoriale, MTES / DGPR / SRNH
  • Stéphane Lefebvre – chef du Service « Production et Valorisation des Connaissances » Secteur « Méditerranée », Agence Française pour la Biodiversité (AFB)
  • Benoît Terrier – chef de projet hydromorphologie des eaux de surface et incidences écologiques
  • Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC)
  • Laure Maton – direction de l’Eau et de l’Assainissement, Montpellier Méditerranée Métropole (3M)
  • David Moncoulon– responsable Recherche et Développement, Caisse Centrale de Réassurance (CCR)
  • Jean-Marc Tacnet – chercheur, Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)
CONTEXTE ET OBJECTIFS DE LA CONFERENCE COMPLEMENTAIRE

Les Solutions Fondées sur la Nature (SFN) sont des interventions de préservation, de restauration, de gestion durable ou de création d’écosystèmes naturels ou modifiés qui ont pour objectif de contribuer à des enjeux du territoire tout en présentant des bénéfices pour la biodiversité, dont notamment la prévention du risque inondation. Récemment, le recours à ce type de solution s’est multiplié en complément des solutions de génie civil : restauration de l’espace de bon fonctionnement des cours d’eau et leur renaturation, aménagement de zones d’expansion de crue en utilisant les zones humides, gestion des eaux pluviales par la désimperméabilisation et développement d’infrastructures vertes… Dans le cadre de son implication dans le projet européen H2020 NAIAD – « Nature Insurance Value: Assessment And Demonstration (NAIAD) » – financé par la Commission Européenne, le BRGM a organisé cette conférence complémentaire dans l’objectif d’identifier les freins et leviers à la mise en œuvre des SFN pour la prévention des inondations. Cette conférence s’est appuyée sur des témoignages d’acteurs impliqués dans la mise en œuvre de SFN pour la prévention des inondations. Ces actes présentent de façon synthétique les principales thématiques abordées au cours de l’atelier.

LES AVANTAGES DES SFN

Les Agences de l’eau promeuvent depuis de nombreuses années la politique de restauration du fonctionnement des milieux aquatiques et humides. Ces solutions peuvent avoir des effets significatifs pour la réduction des risques d’inondation. Elles sont également souvent des solutions moins coûteuses que les infrastructures de génie civil. La complémentarité nécessaire entre les SFN et les solutions traditionnelles de génie civil pour assurer une gestion des risques inondations a été largement mise en avant durant la conférence. Les SFN présentent de plus une multiplicité des co-bénéfices: amélioration du cadre de vie, adaptation aux changements climatiques et leur atténuation et le développement d’activité récréative… Cette multifonctionnalité constitue un argument fort pour l’intérêt croissant vis-à-vis de ces solutions, notamment dans un contexte où les collectivités locales doivent développer des approches plus globales et transversales des politiques d’aménagement du territoire. Le secteur des assurances/réassurances souhaite également promouvoir ces solutions dans un contexte d’intérêt croissant pour les mesures de prévention des risques, étant donné l’augmentation attendue des dommages, liée aux changements climatiques. La capacité de certaines SFN à prévenir plusieurs risques présente également un intérêt particulier du secteur.

UN CONTEXTE INSTITUTIONNEL FAVORABLE MAIS DES BARRIERES ORGANISATIONNELLES

La politique de décentralisation mise en œuvre en France conduit à l’intégration d’enjeux multiples au sein des missions des EPCI tels que les enjeux eau, risque, biodiversité et aménagement du territoire. Le transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI constitue notamment une avancée emblématique de cette volonté d’intégration. Les SFN, par leur capacité à répondre à plusieurs de ces enjeux, constituent des solutions particulièrement attractives. Les EPCI sont par ailleurs des acteurs clés pour le développement de ces solutions. Les stratégies d’aménagement du territoire tels que SCOT et PLUi constituent des outils puissants pour intégrer les SFN dans le développement territorial. La mise en œuvre des SFN nécessite toutefois une action véritablement coordonnée entre les différents services (risques, eau, espaces verts, voirie, urbanisme…) des EPCI alors que les fonctionnements en silo restent encore fortement présents. Cela demande de consacrer du temps à la transversalité difficile à dégager dans un contexte de masse salariale contrainte dans le cadre des contrats EPCI-Etat. La mise en place des SFN nécessite plus largement la mise en place d’un réel processus de concertation, à travers les CLE par exemple.

DES OPPORTUNITES DE FINANCEMENT MULTIPLES MAIS DES MONTAGES COMPLEXES

Du fait de leur multifonctionnalité, les SFN sont éligibles à différentes sources de financement. Les agences de l’eau financent depuis de nombreuses années des actions de restauration écologique des cours d’eau. La complémentarité avec la prévention des inondations est également un critère qui intervient dans le financement. Ainsi en 2016, l’AERMC a financé 66 projets de restauration écologique des cours d’eau et de lutte contre les inondations pour 34M€ de dotation. Le financement des actions liées à GEMAPI est également une des priorités du 11ème programme des Agences de l’eau. Par ailleurs, l’État finance les opérations de prévention des inondations via le fonds « Barnier » et les PAPI, labellisés par la commission mixte inondation (CMi). Les SFN sont finançables par le fonds Barnier à hauteur de 50 % des dépenses d’investissement. Les arbitrages du financement par la CMi sont toutefois basés sur des analyses économiques qui tiennent compte uniquement des bénéfices liés à l’inondation. Il est toutefois à noter que la CMi prend en compte les autres services rendus de façon qualitative. Une autre contrainte est que le fonds Barnier ne finance pas les dépenses hors investissements, comme les actions de gestion courante des milieux naturels. Enfin, la nouvelle note technique relative au fonds Barnier prévoit que ce fonds puisse financer des SFN hors PAPI présentant des avantages inondation (Subvention<300 000 euros). Par ailleurs, les EPCI peuvent lever une taxe GEMAPI depuis 2018 qui peut être utilisée pour financer des SFN. Pour la Métropole de Montpellier par exemple, cette taxe représente 3 millions d’euros/an. Cette multiplicité représente une opportunité pour le financement d’action de prévention des inondations par les SFN. Il s’agit d’un facteur de réussite des projets de SFN mise en avant par le SAGYRC et le SMIGIBA pendant la conférence. C’est toutefois une source de complexités administratives qui peuvent freiner le montage de ce type de projets. Lever cette contrainte nécessiterait la mise en place d’un système de guichet unique pour le financement des projets de SFN associé à une méthode d’évaluation intégrée des projets.

DES ENJEUX D’EVALUATION ET DE SUIVI DES SFN

Le recours aux SFN pour la prévention des inondations soulève des questions nouvelles en matière d’évaluation et de suivi. Les SFN soulèvent des problèmes de décision intégrant des dimensions multiples : techniques, socio-économiques, écologiques… Il est donc fondamental de mobiliser des méthodes permettant d’obtenir une vision intégrative et d’évaluer la pertinence de ces solutions. Les travaux réalisés par l’IRSTEA pour appuyer le SMIGIBA représentent un bon exemple de cette approche. De plus, les SFN restent encore insuffisamment considérées dans les évaluations préalables aux projets de prévention des inondations. Il serait donc important que les SFN soient systématiquement examinées dans les scénarios potentiels d’action. Il est également important de renforcer les retours d’expérience sur les projets existants. Afin d’encourager une approche plus structurée de ce suivi, l’AFB a élaboré un guide de Suivi Scientifique Minimal (SSM) et mis en place un réseau de sites de démonstration au niveau national, qu’il conviendrait de renforcer.

DES RESISTANCES CULTURELLES ET UN BESOIN DE FORMATION ET D’INFORMATION

Les participants ont fait état de résistances culturelles qui constituent des freins au développement des SFN. Les réflexes du recours systématique à des solutions traditionnelles de génie civil restent notamment très ancrés. Par ailleurs, certaines infrastructures peuvent faire l’objet d’un attachement « patrimonial » difficile à surmonter. C’est le cas par exemple d’anciennes digues mises en place sur le Buech dans le cas présenté par le SMIGIBA. Dans certains cas, ces résistances culturelles peuvent toutefois être dépassées grâce aux bénéfices apportées par les SFN. C’est le cas des aménagements de l’Yzeron avec le passage d’une rivière « subie » à une rivière « cadre de vie ». Ces résistances sont en partie dues à une mauvaise connaissance des acteurs du fonctionnement des milieux aquatiques et de leur contribution à la gestion des risques. Il est donc important de prévoir des temps d’information ou de sensibilisation pour les acteurs des territoires. Le recours aux SFN nécessite également des compétences spécifiques pour l’accompagnement des maîtres d’ouvrage. Le SMIGIBA a mis en avant la contrainte que représente la nécessité d’avoir recours à une ingénierie spécialisée et multiple à chaque étape du projet. Les SFN requièrent également un recours plus systématique à des processus de concertation et des méthodes intégratives d’aide à la décision. Il est donc important que de nouveaux métiers émergent dans l’accompagnement des collectivités locales et que des formations soient mises en place pour faciliter leur développement.

LA MAITRISE FONCIERE : UN ENJEU MAJEUR DES SFN

L’importance de la maîtrise foncière a été mise en avant comme un facteur clé dans les deux cas d’étude présentés durant la conférence. Dans le cas du SMIGIBA, le projet de restauration de l’espace de bon fonctionnement du cours d’eau a un impact sur des terres agricoles historiquement reconquises à la rivière. Bien que concernant un nombre limité d’agriculteurs, la perspective de « rendre la terre à la rivière » constitue un point de blocage important à la réalisation de ce projet. Cette maitrise foncière a été également un point clé mis en avant par le SAGYRC. En effet, la restauration de l’Yzeron a nécessité l’acquisition de terrains appartenant à une centaine de propriétaires. Cette maitrise foncière a généré des complexités administratives fortes pénalisant le planning de réalisation. Ces exemples illustrent la nécessité de mettre en place une ingénierie foncière bien en amont des projets afin de faciliter le développement des SFN.

3 – ONRN et retours d’expérience (REX)

Organisée par l’Observatoire national des risques naturels (ONRN), cette conférence s’est tenue le mardi 26 mars à 9h00, sous la présidence de Thierry Galibert, membre du CGEDD et président du Conseil de gestion de l’Observatoire.

Lire le résumé

Il s’agissait, dans un premier temps, de présenter les travaux actuels et futurs de l’Observatoire avec la volonté d’associer l’ensemble des acteurs concernés, notamment les collectivités territoriales. La seconde séquence a été consacrée au projet de guide méthodologique des retours d’expérience (REX) inondation, préparé par le CGEDD avec l’appui du CEREMA.

LES TRAVAUX DE L’ONRN

Thierry Galibert, précise que l’objectif de l’Observatoire est le travail en réseau pour améliorer la connaissance, tandis que Thierry Hubert (DGPR) rappelle que cet outil a maintenant sept ans et sera bientôt accessible via le portail Georisques.

Elsa Rothschild (CCR) présente des développements permis par l’Observatoire et son réseau. Il s’agit notamment d’une étude de sinistralité sur l’Arc méditerranéen, de la SLGRI du Bassin de Thau, d’un travail mené avec l’IauIDF sur la vallée de la Bièvre. Elle mentionne aussi un travail sur la culture du risque mené avec l’EPTB Seine Grands Lacs et donne les premiers résultats de l’action sur les portraits de territoires (voir le cahier n°3 de l’ONRN). Elle présente la refonte du site de l’ONRN, prévue pour juillet 2019. Celui-ci devient un outil de profondeur historique avec la « Base de données des événements dommageables », hébergée par le BRGM, la perspective étant une approche commune avec d’autres bases. Ce site contient aussi un annuaire des acteurs.

Catherine Gremillet (AFEPTB) évoque une action de suivi des PAPI et SLGRI sur deux territoires d’expérimentation, actions bâties sur des principes d’amélioration continue pour que les acteurs s’approprient les outils.

François GERARD (AFPCN) revient sur l’utilité d’un comité des utilisateurs pour une structure comme l’ONRN qui, finalement, s’adresse à tous les acteurs du risque, y compris le citoyen. C’est un groupe qui doit être structuré pour représenter sa diversité. Son travail doit être d’abord de recueillir les avis sur les productions de l’Observatoire, pour les faire évoluer, ce qui a été réalisé après sa création. Mais il doit également être capable de faire émerger des besoins, et c’est le plus difficile. C’est pourquoi on réfléchit actuellement à une réorganisation du Comité et à l’utilisation d’une plateforme collaborative pour travailler en réseau, entre les réunions statutaires du Comité. On espère ainsi pouvoir mobiliser des acteurs importants, comme les SDIS et les élus locaux, autour de thématiques comme les portraits de territoire, le potentiel des bases de données d’événements, sans oublier, les retours d’expérience.

LA MISSION DU CGEDD SUR LES RETOURS D’EXPERIENCE

Gilles Pipien, du CGEDD, pilote de la mission, appuyé par Anne Chanal, du CEREMA, présente le travail réalisé en vue de la publication d’un « Guide des retours d’expérience », notant que tout retour d’expérience doit être partagé, car il ne peut marcher qu’avec les acteurs locaux. Ce guide est en cours de préparation et devrait être finalisé en juin 2019. Ils se félicite que beaucoup de personnes soient venues travailler sur ce guide, ce qui a permis de le faire évoluer vers une « boîte à outils » permettant de donner une autonomie au niveau des territoire, d’où l’importance de critères de déclenchement d’un REX et du plan d’action, qui doit être collectif. Des expérimentations à partir des événements du Var et de l’Aude sont en cours, ce qui permet de mettre en relief des conséquences qui sont encore mal analysées, dont les décès.

En appui, le CEREMA mène une étude sur les bases de données utiles pour les REX. Il s’avère que c’est un maquis à débroussailler avant de disposer d’une plateforme opérationnelle d’alimentation et de consultation.

 

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